God Save the Queens

Elizabeth, Virginie, Paloma et les autres.

Du drame, du cash, du glam. Retour sur un été historique.

“Que la meilleure drag-queen gagne !”

J’ai toujours été fascinée par les drag-queens. Leur assurance et leurs cils de 3 km. Il m’est arrivé de croiser ces êtres exubérants au cours de mes tribulations parisiennes. Très intimidée, je n’osais leur parler. Cela me paraissait comme un monde de rêve inaccessible que je laissais à la nuit.

Pourtant, un ami ne cessait de me prêcher la bonne parole. Le drag (acronyme pour “dressed as a girl”) est un art ouvert à tou·tes, popularisé par le passionnant show TV américain RuPaul’s Drag Race : une compétition de drag-queens relevant des défis (mode, playback, danse, comédie, etc). Et puis, la version française a débarqué sur le service public fin juin. Un triomphe. Comme moi, des millions de spectateurs ébahis découvrent ces reines dans des performances “lé-gen-daires” sur scène. Mais également en coulisses, où une fois l’armure retirée, les artistes racontent leurs parcours de vie chahutés par l’homophobie et les drames personnels.

Et si, à la fin, une seule est couronnée (la géniale Paloma), toutes ont gagné le pari de partager cet univers de liberté, de tolérance et d’acceptation de l’autre. Alors, “Au glam citoyen·nes !”

Sous les dorures, des reines révolutionnaires.

Chère Virginie,

Je te fais cette lettre, que tu liras peut-être. Si tu as le temps. Je suis de celles et ceux qui te surnomment “Queen Virginie Despentes. Qui piétinent devant la librairie un 17 août pour se procurer Cher connard. Fébriles, en manque depuis Vernon Subutex.

Pour moi, le coup de foudre avec ta plume remonte au début des années 2000 sur le plateau de l’émission de Thierry Ardisson. Lui, grivois et amusé; toi, stoïque et impériale. J’avais quinze ans. Coincée dans ma bulle d’adolescence provinciale, je ne comprenais pas tout. Mais je ressentais l’essentiel : tu renversais l’establishment littéraire, tu inventais une langue, tu t’appropriais des mots jamais utilisés par une femme à l’écrit, tu donnais une voix à celles qui avaient trop longtemps fermé leurs gueules.

Depuis, j’ai presque tout dévoré (je fais durer le plaisir comme avec une boîte de chocolats). Te lire, c’est ne plus être seule dans ce monde complexe. Car sous les punchlines trash, il y a toujours cet amour que tu as pour le genre humain. Tu parles à tout le monde, la preuve : tout le monde en parle.

“On se construit toujours dans la décennie dans laquelle on a eu vingt ans.”

Cher connard, Virginie Despentes.

“Never explain, never complain.”

Voilà une formule que ma grand-mère aurait pu piquer à LA reine. C’est d’ailleurs chez ma mamie qu’enfant, je liais connaissance avec la famille royale en me plongeant dans les magazines people qui trônaient dans le salon. Époque Diana. Autant dire que j’ai été rapidement accrochée par ce véritable roman-photo. Du Netflix avant The Crown.

Qu’on l’aime ou qu’on la déteste, Elizabeth II, disparue le 8 septembre dernier, était une icône de la pop culture. Films, chansons, romans, biographies autorisées ou non : tout a été dit sur la souveraine sans qu’elle-même, muselée par son devoir de réserve, ne s’exprime jamais.

Reste ces fameux carnets de cuir noir gardés au fond d’un coffre. Ils contiennent son journal intime tenu tous les jours depuis ses jeunes années, un rituel avant le coucher auquel Sa Majesté ne dérogeait jamais. Je l’imagine s’épancher sur le papier à propos de ses Prime Ministers et des chefs d’États qui ne devaient pas toujours être sa cup of tea, ainsi que sur son encombrante famille et le monde entier qu’elle a traversé en 70 ans de règne. La publication serait à coup sûr un best-seller, une véritable Opération Tonnerre.

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