24h de la vie d’une storyteller
L’image d’Épinal de l’écrivain dans le Barfly de Barbet Schroeder.
Nuits blanches et café noir.
7h17. Ce n’est pas la sonnerie du réveil (je n’en ai pas) qui m’extirpe d’un rêve sans queue ni tête. J’essaierais bien de me lever avec bonne humeur, genre publicité pour l’ami Ricoré. Mais mon cerveau dit non tout comme le fond de verre de vodka sur ma table de nuit. Je tire le rideau. L’article-qui-ne-va-pas-s’écrire-tout-seul peut attendre.
12h13. Le téléphone fixe a gagné. Il semblerait que cette ligne sécurisée, seulement connue par ma Sainte Trinité (ma mère, mon éditrice, mon psy), soit compromise. Au bout du fil, un podcasteur - à moins que ce ne soit un youtubeur - souhaiterait que l’on se rencontre afin d’organiser une rencontre à l’occasion des “Rencontres littéraires d’avril”. Finalement, on ne se rencontrera pas, notamment parce que j’ai raccroché quand il m’a demandé si je préférais le rencontrer en “présentiel” ou en “distanciel”.
12h50. Je m’éternise devant mon café noir. Une durée nécessaire pour prendre conscience que je suis encore en vie. Et que c’est une raison suffisante pour me remettre à la tâche sans traînasser.
Dylan au petit dej, “like a rolling stone”.
13h10. Qui a bien pu balancer le numéro de ma ligne ? Je mène l’enquête auprès des 3 usual suspects.
14h20. Après avoir épluché toutes les infos du jour, l’urgence du monde doit maintenant laisser place à l’écriture d’un nouveau texte pour mon blog. Mon bureau me tend les bras, la terrasse du café d’en bas aussi.
17h35. Je remonte dans mon appartement après des heures semi fructueuses au Balto. Mon éditrice et ma mère m’appellent tour à tour. Pour booker des rencontres :
avec la nouvelle directrice éditoriale
avec l’ancienne voisine qui connaît quelqu’un chez Netflix
Je me demande s’il s’agit d’un complot.
18h10. Chez mon psy. À nous interroger si je suis plus affectée par le fait que ma soeur a détesté mon livre ou par le fait que ma mère n’a pas pu s’empêcher de me le rapporter.
21h05. Un ami chroniqueur d’une émission en vogue frappe à ma porte. On file à l’inauguration d’un club à Belleville dans une vieille Mustang décapotable. La page blanche sur ma table de travail me lance un regard noir.
22h22. Je rencontre la crème de la variété, de la cuisine et de la mode made in France. Foule joyeuse et unanime qui se déhanche sur Coolio. Tout le monde adore ce que vous faites et réciproquement.
00h40. Je rencontre l’Espresso Martini (aka le Spritz de 2022). Le cocktail parfait pour oublier de dormir.
5h00. Retour au bercail. Armée d’un paquet de chips et d’un stylo, je noircis le papier vélin supérieur de mon bloc notes. Sujet : “Comment créer son hologramme pour ne plus quitter son lit.”
7h17 rewind. C’est le réveil de mon smartphone qui m’extirpe d’un rêve sans queue ni tête. Les restes d’une tisane “Nuit tranquille” et d’une tablette de chocolat consommées la veille bien avant minuit m’indiquent que justement la nuit a été très calme.
9h00 pile. Il est temps de se mettre à travailler. Vraiment.