Se souvenir des belles choses

Un objet, c’est toute une histoire…

Le stylo d’un musée japonais, un menu d’anniversaire, les clés de bagnole de mon grand-père,... J’accumule donc je suis. N’en déplaise aux fervents disciples du minimalisme de Marie Kondo aka la Queen du désencombrement permanent.

Nos maisons sont des patchworks émotionnels. Entrer chez quelqu’un, c’est plonger au plus profond de son intimité. Mon ancien métier de décoratrice m’a fréquemment amenée à être l’observatrice impudique des vies intérieures de mes clients. J’aimais composer avec leur passé pour construire leur présent. En réalité, ma fascination pour les objets cachait mon goût viscéral pour les histoires.

“Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ?” s’interrogeait Lamartine. C’est ce que nous allons voir.

Woody, un jouet qui vous veut du bien.

Dès le berceau, nous sommes des héritiers. Justement : le berceau dans lequel vous étiez allongé était aussi celui de votre mère. Si l’on écarte les objets dits “de valeurs”, nous entassons presque à notre insu des quantités de choses qui nous sont transmises sans cérémonie. Qui aurait cru qu’une cocotte cabossée Le Creuset puisse nous tirer une larme au détour d’un placard ?

Ces souvenirs “imposés” ont la puissance des photos de famille sans le côté poussiéreux et figé. Nous vivons avec, nous les utilisons : ils font partie du décor et viennent s’associer, dialoguer avec nos propres acquisitions. Souvenirs de voyage, d’enfance ou de moments marquants en disent long sur ce que nous sommes, mais aussi sur ce que nous voulons retenir de notre vie. Ces objets dont on s’entoure nourrissent nos âmes nostalgiques. Et si cela ne suffit pas, Internet regorge de sites d’occasions et de comptes Instagram vintage pour étancher notre soif de retour dans le passé.

James Bond, “heureux” légataire du bouledogue en porcelaine de M.

Si les objets n’avaient pas existé, le cinéma les aurait inventés. Je vais paraphraser mon prof de scénario qui lui même paraphrasait Tchekhov : “Si tu vois un flingue à l’écran, c’est qu’il va servir”. Rien ne doit être superflu, l’objet est au service de la narration.

Si l’arme est imbattable pour entretenir le suspens, elle est suivie de très près par le téléphone qui n’a pas son pareil pour faire rebondir l’intrigue (Jack Bauer approuve ce message). L’objet est également un excellent moyen pour marquer la temporalité : une journée éternellement recommencée avec le radio réveil d’Un jour sans fin ou la toupie de Inception sensée nous aider à distinguer le rêve de la réalité.

Tombera ? Tombera pas ?

Sinon, l’objet peut aussi être le moteur de l’histoire à lui tout seul. Nombreux sont les films qui reposent sur la quête de celui-ci. Que ce soit le Graal pour Indiana Jones, le diamant “Coeur de l’Océan” de Titanic, le ticket d’or de Charlie et la chocolaterie ou le mystérieux Rosebudde Citizen Kane. Parfois même les acteurs se font voler la vedette par un jeu diabolique dans Jumanji, un ballon-ami dans Seul au monde ou encore une super voiture dans Retour vers le futur.

Pour finir, une devinette. Qu’est-ce qui est à la fois un objet et une histoire ?…

…Le livre, bien entendu !

Il y a ceux qui nous imprègnent année après année, ceux qui nous ont été offerts, ceux qu’on a surlignés, annotés, maltraités, ceux qu’on relit encore et encore, ceux qui demeurent dans notre bibliothèque et que nous transmettrons après nous, malgré nous.

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