Je déteste Noël, mais c’est tout ce que j’aime
Photographie The Anonymous Project.
Storytelling au pied du sapin.
C’est une belle histoire, enfermée dans une boule à neige. Des conifères enguirlandés, des choeurs d’enfants à vous faire fondre et des maisons lilliputiennes qui s’ouvrent sur une famille rassemblée autour de l’âtre crépitant. Même Ebenezer Scrooge et le Grinch, mes natalophobes préférés, finissent pas succomber au tout puissant esprit de Noël. Car sous la pierre se cache leur coeur en sucre d’orge. Évidemment.
Je n’aime pas Noël. Voilà, c’est dit. Comme d’autres ont peur des clowns, moi c’est le bonhomme en panoplie rouge qui me flanque des angoisses. J’arrêterai là mon auto-psy, n’en déplaise aux mines abasourdies face à mes propos de vieille grincheuse/acariâtre/misanthrope.
Dans le contexte d’une société qui survalorise cette fête, on jette facilement l’opprobre sur celles et ceux qui renâclent à participer à l’allégresse idoine. Qu’est-ce qui se cache derrière cette injonction ? Pourquoi toujours nous vendre une histoire marketée à outrance comme un top 10 de Netflix ? Décryptage d’un storytelling implacable.
Le décorum. Ce qu’on essaie de nous faire avaler : les flocons, le vent dans les grands sapins verts, les décorations à faire sauter un compteur EDF. Personnellement, la météo de décembre m’enveloppe plutôt d’un ciel de pluie grisâtre parsemé de quelques lumières kitsch. Je presse le pas sur le trottoir semi-boueux, tentant d’échapper au triumvirat Dean Martin/Mariah Carey/George Michael de l’ascenseur du BHV.
Enfin seule à la maison. Dans mon magnifique pyjama en tartan et mes slippers en velours rouge du Monoprix (dernière collection capsule pour… les fêtes). Il ne me reste plus que deux fenêtres avant le 25 sur… mon calendrier de l’Avent. Offert par ma mère. Bah quoi, j’allais pas le jeter non plus ?
Les cadeaux. Corvée d’offrir, dépit de recevoir. Qui a inventé cette diablerie, sérieusement ? Personne n’aime se faire piétiner un samedi sur la moquette cradingue de la Fnac. Personne n’aime déballer une carte-cadeau pour se rendre dans ledit magasin sur sa pause déj’.
Je m’enroule dans ma robe de chambre matelassée et je repense aux présents que nous avions coutume de nous offrir, ma meilleure amie et moi, lorsque nous étions ados. Un gloss, une barrette, un CD 2 titres. Des petites choses inoubliables. Loin de m’attrister, ça me donne envie de danser sur du Britney dans mon salon.
Redevenir un enfant. Et puis quoi encore ? Noël quand on est adulte, c’est organiser, dépenser et s’efforcer d’être heureux. Pas faire ami-ami avec un extraterrestre, pas chercher une arche perdue, pas s’embarquer dans une DeLorean, pas faire tourner en bourriques deux cambrioleurs et encore moins gambader sur les toits avec une incroyable nanny… À moins que mon nouvel abonnement à Disney+ ne dise le contraire…
“L’Étrange Noël de monsieur Jack” est au programme des devoirs de vacances.
La famille réunie. On rêve toutes et tous de la scène finale du merveilleux film La vie est belle de Frank Capra. Et les publicitaires l’ont bien compris. Le bonheur familial fait vendre. Heureusement le cinéma français (La bûche/Un conte de Noël/Le père Noël est une ordure) se charge d’exploser la plaisante vitrine à coup de fer à repasser. “Allez hop à Créteil !”, prêts pour “une défaite de famille” dans le salon de mamie. Et “joyeux Noël Félix” ! Avouez que c’est jouissif, non ?
La version honnête des retrouvailles familiales par Célio.
Le festin. “À quoi bon une telle débauche ?”, me dis-je en ouvrant la 23ème trappe de mon calendrier de l’Avent. “Surtout à une période où l’on a l’estomac vrillé et le nez bouché”, continué-je tout en gobant une truffe en chocolat.
Un flash. La cuisine de mon enfance avec le décor en fausse neige sur les fenêtres. J’ai 8 ans, comme indiqué sur le montant de la porte, et je suis en charge du roulage-des-truffes-dans-la-poudre-de-cacao. Me voilà attendrie comme le patibulaire personnage d’ Anton Ego de Ratatouille.
Alors, “peut-il y avoir une fête sans Ferrero Rocher” ? Je ne sais pas, mais sans truffes en chocolat, certainement pas.