La reconversion

Jennifer Lopez par Camilla Akrans.

Le grand saut. (Jennifer Lopez par Camilla Akrans).

(D’après une histoire vraie.)

Je me suis reconvertie. “Je suis d’une génération désenchantée”, chante Mylène Farmer. Dans mon entourage de trentenaires, ceux qui avaient franchi le pas se multipliaient. On parlait de “perte de sens”, de “burn-out”, d’“envie d’ailleurs”, de “déclic”… Embourbée moi-même dans un travail qui me faisait pester du lundi au dimanche, je finis par céder aux sirènes de la reconversion.

Répondais-je à une injonction sociale ou à une vraie envie ? Ce chamboulement me rendrait-il forcément heureuse ? À l'époque, des séances avec une coach professionnelle m’avaient permis d’y voir plus clair dans mes aspirations et mes compétences. Constat : j’avais passé plus de quinze ans à ne pas m’écouter.

Retour sur une reconversion programmée.

Bureau du conseiller d’orientation du lycée. Circa 2002. Et la question fatidique : Qu’est-ce que tu voudrais faire plus tard ?. Je souhaiterais répondre : “écrivaine” (en songeant à mon tiroir remplis de romans inachevés), mais je n’ose pas.

On m’a maintes fois répété que c’était une voie risquée, qu’il fallait énormément de talent, bref que je devais plutôt réfléchir à un vrai métier. Je reste vague (“l’art, la littérature, quelque chose comme ça, quoi…”) et je vois le conseiller chercher une solution d’un air perplexe en tournant les pages de ses classeurs. Une demi-heure plus tard, je sors complètement désorientée et lui retourne à son jambon-beurre.

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“Quel chemin dois-je prendre ?” se demande Alice.

Après les festivités post-bac, vient le temps de l’errance. Fac de Lettres modernes en hors-d’oeuvre. Premières illusions perdues. Je dévore les livres au programme, mais reste hermétique aux cours de grammaire et de stylistique. Ce sera les Arts appliqués en plat de résistance. Je dessine et conçois des extérieurs extraordinaires pour des clients imaginaires. J’obtiens mon diplôme avec un “bonne continuation” pour tout commentaire.

Puis, pendant dix ans je travaille pour de grandes maisons de décoration. J’aide des gens bien réels à créer leur propre univers. C’était passionnant, mais je n’étais pas passionnée.

La suite pourrait s’écrire en 3 mots : électrochoc, concours, rencontre. (Mais je suis storyteller donc je vais faire un brin plus long). Un événement traumatique me déstabilise et me conduit à participer à un concours d’écriture sur lequel j’étais tombée par hasard en scrollant sur Facebook. Ma nouvelle remporte le premier prix et quelques temps après je rencontrais ma future éditrice au café Danton, place de l’Odéon à Paris (précision inutile, mais bigrement romanesque).

J’ai toujours été incertaine, mais à ce moment-là de mon parcours, le choix était évident/effrayant/excitant : l’écriture serait ma nouvelle vie. Celle que j’avais tenue secrète dans mon casier de lycéenne.

Passés le pot de départ, l’euphorie et les encouragements, je suis embarquée dans un rollercoaster de doutes jusqu’à la publication de mon premier roman. Aujourd’hui cette reconversion est toujours “in progress” depuis que j’ai quitté mon travail salarié en 2018. Un deuxième bouquin à écrire, une auto-entreprise de storytelling à développer et toujours cette envie mâtinée de trouille. Il paraît que c’est le meilleur des cocktails pour avancer. Alors, “un autre verre SVP” !

“J’ai été absolument terrifiée à chaque instant de ma vie - et je n’ai jamais laissé cela m’empêcher de faire une seule chose que je voulais faire.”

Georgia O’Keeffe

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